Les élèves du groupe Lycée ont travaillé sur le thème de la fraternité. Suite à ce travail, il leur a été demandé d'écrire un texte dans lequel une personne faisait preuve de solidarité à l'égard de quelqu'un d'autre.
Je m'appelle Clémence, j'ai dix-neuf ans, nous sommes le 4 juillet 1941.
Depuis hier, les Boches sont dans le village, ils sont à la recherche de juifs hors la loi, ou de personnes les aidant. J'ai entendu dire par une vieille du village, qu'ils étaient brusques, méchants, qu'on devait être coopératif pour que ça ce passe bien. Un jeune garçon qui s'était rebellé, a été touché par une balle dans le mollet, et il a tellement perdu de sang, qu'on a dû l'amputer.
Aujourd'hui, on a frappé brusquement à ma porte, d'un ton agressif et avec un accent prononcé on m'a demandé d'ouvrir. J'ai ouvert gentillement, les hommes qui se tenaient là nous ont demandé nos papiers. Tout est en règle, je ne me suis pas fait de soucis. Un frisé (comme les appelait mon père), m'a caressé la joue d'une façon très perverse et en regardant mon décolleté il a baragouiné je ne sais quoi. Ils ont fouillé la baraque, vidé les placards, déchiré mes draps. Ma maison est comme si un ouragan était passé. Nous sommes chrétiens, ils n'ont rien trouvé, mais il nous ont tué deux bêtes, pris des vêtements, et de la nourriture.
Après avoir tout rangé -c'est vraiment dur de s'occuper de toute une maison et des bêtes seule- j'ai laissé Isabelle dormir. Du haut de ses cinq ans, je me demande de quoi elle se rend compte, j'espère que j'arrive à lui donner autant d'amour que maman. Je ne dis rien mais elle me manque, c'est dur.
Après le passage des Boches, Franck est reparti travailler pour l'après-midi, chez la voisine un peu plus haut. J'ai donc décidé d'aller m'occuper des animaux. En rentrant dans la grange, j’ai entendu un bébé pleurer et une femme chuchoter pour le rassurer. Je me suis approchée avec une fourche et la jeune fille apeurée m'a suppliée de ne pas la tuer. Je lui ai demandé ce qu'elle faisait là, et elle m'a raconté son histoire. Elle aussi sa mère est morte, tuée par des Allemands car elle portait l'étoile, son père, lui, est dans un camp. Elle ne sait pas comment mais elle a réussi à s'échapper avec sa petite sœur Mathilde. Elle s’appelle Anne, elle a un an de moins que moi. Prise de panique, je n'ai pas su quoi faire, j'ai eu envie de me sauver moi et de lui dire qu'elle devait s'en aller pour ne pas avoir de gros soucis. Mais dans ses yeux elle m’appelait au secours. Je ne pouvais pas la laisser avec sa sœur subir les barbaries de ces Allemands. Je l'ai emmenée à la maison, on a rempli une bassine d'eau chaude pour qu'elle puisse faire sa toilette, je lui ai fait une teinture blonde et lui ai donné des vêtements que maman avait laissés après son décès.
Je ne sais pas comment ça va se passer, ce qu'on va faire, comment Franck va réagir. Mais je sais que cette fille a besoin de moi et si moi je ne l'aide pas, qui le fera ? Comment allons-nous nous débrouiller face au autorités ? Comment la vie avec ces deux inconnus va-t-elle se passer ? Et papa lui va t-il bien ?
Clémence